L’annulation de l’acte avant mise sous tutelle : quid du testament ?

L’annulation d’un acte réalisé avant la mise sous tutelle suscite un contentieux important s’agissant d’un testament. En effet, la mise sous tutelle du testateur quelque peu après la réalisation du testament conduit à douter du fait que le défunt était sain de corps et d’esprit au moment dudit testament.

 

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Trois articles du code civil sont essentiels en matière de contestation de testament, et plus particulièrement de demande d’annulation de testament pour insanité d’esprit :

1- Une annulation d’acte avant mise sous tutelle non automatique

L’annulation d’acte avant mise sous tutelle n’est pas automatique, notamment en matière de testament. En effet, l’annulation d’un testament olographe ou authentique réalisé avant mise sous tutelle est subordonnée à la preuve de l’insanité d’esprit du testateur. Toutefois, il existe une présomption en la matière.

2- Présomption d’insanité d’esprit en cas de mise sous tutelle

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Il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation (de 2007) que l’insanité d’esprit est présumée (présomption simple ou irréfragable ?) lorsque le testament a été réalisé au moment où les circonstances ayant justifiées la mise sous tutelle existaient.

Telle est la solution appliquée par un arrêt récent de la Cour d’appel de Montpellier.

Ainsi, l’annulation d’un acte avant mise sous tutelle est prononcée si le testament a été fait au moment où le défunt connaissait le trouble mental ayant entraîné la mise sous tutelle.

3- Exemple récent d’annulation de testament avant mise sous tutelle

CA Montpellier, 08-10-2020, n° 16/02793 :

« Mme Ginette Vaurs a été placée sous tutelle par jugement du 6 avril 2010.

Le Dr Ak a constaté le 16 janvier 2010 que Ginette Vaurs présentait un affaiblissement intellectuel pathologique parvenu au stade démentiel consécutif à une maladie à Corps de Lewy (…)

(…)
L’expert concluait que la mesure de protection (à savoir la mise sous tutelle) «’s’impose selon toute évidence’» en raison d’une détérioration intellectuelle pathologique très importante parvenue à un stade démentiel. Du fait de la gravité de ces troubles, le médecin déconseillait même l’audition de la majeure à protéger par le juge des tutelles.

Le médecin précisait que les troubles mnésiques et le déclin des facultés de jugement de Ginette Vaurs avaient commencé dès 2000, puis s’étaient aggravés en 2008. Elle a présenté en janvier 2009 une décompensation somato-psychique qui a nécessité une hospitalisation d’urgence à Narbonne. (…)

(…)


Ces conclusions étayées et motivées émanent d’un médecin psychiatre spécialisé, après examen de Ginette Vaurs, prise en compte de son état clinique, de son passé médical et des données scientifiques relatives à l’évolution habituelle de la pathologie lourdement handicapante qui l’a frappée légèrement à partir de 2000, plus gravement à partir de 2005 et enfin de façon extrêmement lourde à compter de 2008.

Le certificat médical du AG Al Am du 14 mai 2008 confirme que Ginette Vaurs était alors atteinte d’une altération cognitive majeure compatible avec une démence de type maladie d’Alzeimer (…)

Mme An AH, mandataire spécial, décrit dans son rapport du 19 février 2010 l’évolution de l’emprise croissante exercée par M. Ab sur Ginette Vaurs à partir de la mort brutale de son neveu Ao A le 9 septembre 2004. Les ordonnances médicales figurant au dossier montrent que Ginette Vaurs était traitée depuis 2006 par médicaments anti-dépresseurs et anxiolytiques. La mandataire ajoute que Ginette Vaurs n’avait pas capacité à pouvoir s’opposer à M. Ab (…)

M. Manetto, conseiller financier auprès des AGF entre 2006 et 2008, expliquait que Ginette Vaurs subissait fortement l’influence de M. Ab qui lui faisait écrire ses courriers sous la dictée. (…)

Ces constatations de médecins spécialisés et les témoignages de tiers à la famille ont une force probante bien supérieure aux nombreux témoignages versés par les intimés. Ces obtenus témoins principalement décrivent en effet de personnes les facultés de l’entourage intellectuelles amical de ou Ginette familial Vaurs de M. Ab. en des termes bien peu crédibles au regard de son état mental médicalement attesté.

C’est ainsi par exemple que M. Ap, retraité de la police nationale, témoignait avoir vu le 27 août 2011 Ginette Vaurs qui «’s’exprime avec lucidité et dans un vocabulaire très érudit’», ce qui est impossible à croire au regard de l’état de santé extrêmement dégradé de Ginette Vaurs médicalement constaté déjà plusieurs années auparavant.

Un autre exemple d’attestation peu crédible est celle de Mme Aq qui écrit que Ginette Vaurs «’avait de longs moments de lucidité et était cohérente dans ses propos’» (…).

Quant aux déclarations de la cohéritière Mme Ac A en faveur de M. Ab, elles sont sujettes à caution dans la mesure où elle entretenait les meilleures relations avec lui et qu’elle a bénéficié de largesses de sa part telles que la cession du véhicule de Ginette Vaurs (véhicule cédé le 1er septembre 2009) mais aussi des bijoux de cette dernière, sans que l’on puisse savoir dans quelles conditions précises elle en a pris possession.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments, que l’état de santé et la capacité de discernement de Ginette Vaurs ont été altérés dès le début de l’année 2000, avec une gravité particulière médicalement constatée à partir de l’année 2005.

Il est parfaitement établi par le pièces du dossier que la cause médicale ayant conduit au placement sous tutelle de Ginette Vaurs le 6 avril 2010 existait dès l’année 2000, constatation à mettre en regard de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a jugé que «‘la nullité des actes faits par un majeur en tutelle antérieurement à l’ouverture de cette mesure de protection [juridique] ne suppose pas la preuve de l’insanité d’esprit au moment où l’acte a été passé mais est seulement subordonnée à la condition que la cause ayant déterminé l’ouverture de la [mise sous] tutelle ait existé à l’époque où l’acte a été fait’» (1ère Civ 24 mai 2007, pourvoi n° 06-16957).

Il ressort de ces éléments que dès l’année 2005, Ginette Vaurs ne disposait plus de ses facultés intellectuelles et que son état de conscience était trop limité (…).

Ainsi, toutes les libéralités et les opérations financières réalisées par Ginette Vaurs à partir du 1er janvier 2006 l’ont été alors qu’elle souffrait d’insanité d’esprit et ne disposait plus des capacités intellectuelles nécessaires pour comprendre la nature et la portée des opérations financières exécutées pour son compte par M. Ab. »

 

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