Une attestation que le testateur est sain de corps et d’esprit suffit-elle pour emporter la validité du testament ?

 

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Une attestation ou plusieurs témoignages selon lesquels l’auteur du testament est sain de corps et d’esprit peut ne pas suffire pour convaincre les juges saisis d’une action en nullité du testament pour insanité d’esprit. L’issue du litige va dépendre des preuves apportées par celui qui conteste le testament.

La présente page apporte des éléments relatifs à un litige concernant une succession, à savoir un litige entre héritiers, ou entre un héritier ou conjoint survivant ou autre successible (légataire universel ou bénéficiaire d’un legs particulier, etc.). Néanmoins, ces éléments valent aussi pour une donation

 

1- Rappel sur la nécessiter d’être sain d’esprit pour tester

D’après les règles du code civil, un testament ne peut être valable que si son auteur était sain d’esprit lorsqu’il a été rédigé, qu’il s’agisse d’un testament olographe (sous seing privé, sans notaire) d’un testament authentique ou mystique.

2- Rappel sur la charge de la preuve de l’insanité d’esprit du testateur

Mais un testament est par nature présumé valable, à savoir que le testateur est réputé être sain d’esprit. Ainsi, c’est à celui qui invoque l’insanité d’esprit ou le trouble mental du défunt au moment de la rédaction du testament d’en apporter la preuve.

Il en résulte que par principe, la partie qui entend considérer qu’un testament est valable n’a pas à apporter la preuve que le testateur était sain d’esprit. En revanche, elle aura intérêt à apporter des éléments de preuve de nature à contredire la prétention selon laquelle le testateur n’était pas en pleine possession de ses capacités mentales et manquait de discernement, lorsque des éléments de preuve importants accompagnent cette prétention.

3- Attestation que le testateur était sain de corps et d’esprit et autres éléments de preuve

Comment prouver qu’une personne est sain de corps et d’esprit ?

Lorsque ladite personne est vivante, on pourrait penser qu’un certificat médical pourrait permettre d’apporter une telle preuve. La difficulté réside dans le fait qu’en droit des successions, la personne litigieuse et sur lequel règne le soupçon d’insanité d’esprit est souvent décédée : il s’agit du défunt, dont la succession est souvent l’objet du litige.

Dans une telle situation, les éléments de preuve pour celui qui prétend que le défunt était sain d’esprit sont très limités : les attestations et témoignages semblent être les seuls éléments de preuve.

L’attestation que le défunt était sain de corps et d’esprit, ou plusieurs attestations en ce sens, pourront ainsi être ajoutées aux pièces fournies dans le cadre d’un procès de droit des successions.

Néanmoins, force est de constater que, même si de nombreuses attestations sont apportées, l’issue du litige dépend en grande partie des pièces qui sont apportées par l’autre partie, à savoir par celle qui entend prouver l’insanité d’esprit.

4- Exemple de décision ayant prononcé la nullité d’un testament en présence de plusieurs attestations selon lesquelles le défunt était sain de corps et d’esprit

Un arrêt récent illustre le propose susmentionné selon lequel l’issue du litige dépendrait principalement des preuves de l’insanité d’esprit du testateur qui sont produites par l’autre partie dans le cadre du litige successoral :

CA Aix-en-Provence, 21-10-2020, n° 17/14882

« Aux fins de démontrer la bonne santé mentale de la testatrice au moment de l’acte, l’appelant verse aux débats les attestations suivantes :
– Mme Ay Az, commerçante à Pelissanne, indique que cette cliente était une personne très sensée ;
– Ba A, père de l’appelant, atteste avoir rencontré Ah B à plusieurs reprises au salon de coiffure et lors des différents entretiens avec maître Andreani ; il fait état de ce que la défunte ne s’entendait pas avec les membres de sa famille ;
– Bb Bc, compagne de l’appelant, témoigne de la volonté de Ah B Aj de léguer son terrain à Aa A et de sa bonne santé mentale ainsi que de son souhait de ne rien laisser à son frère ;
– Bd A, la mère de l’appelant, explique que Ah B Aj n’a pas souhaité choisir le notaire de la famille afin qu’il n’informe pas ses frère et soeur de l’existence du testament ;
– Be Bf, qui précise avoir rencontré Ah B Aj à trois reprises, atteste qu’elle était cohérente et qu’elle se plaignait des pressions subies du fait de la rédaction du testament ;
– Bg Bh, chauffeur de taxi, évoque avoir raccompagné la défunte chez elle à plusieurs reprises après ses passages chez le coiffeur et après ses courses : ‘Elle était claire dans sa tête »;
– Bi Bj déclare que Ah B Aj était méfiante envers son entourage familial et en possession de ses moyens intellectuels ;
– Bk Bl, coiffeuse auprès du salon tenu par la mère de l’appelant, décrit la défunte comme sereine, organisée et cohérente dans ses propos.


Il convient de relever que ces attestations [tendant à démontrer que le défunt était sain de corps et d’esprit] émanent soit de proches de l’appelant (membres de sa famille, compagne, employée du salon de coiffure géré par la mère de l’appelant), soit de personnes sans réelles relations de proximité avec la défunte et qui la décrivent en termes très généraux. Cette description d’une personne très sensée et organisée, qui savait ce qu’elle voulait, en particulier en termes d’achats, apparaît, par ailleurs, en contradiction avec la description livrée par l’infirmière et l’aide à domicile de la personne âgée, tant de sa personne que de l’état de son domicile, encombré de biens de consommation qu’elle achetait sans réel besoin.
Enfin, le fait que Ah B Aj ait entretenu ou pas de bonnes relations avec ses frère et soeur n’a aucune incidence sur la solution du litige, seule la question de sa capacité à tester ayant une incidence juridique sur le sort du testament en cause.
L’appelant ne faisant pas la démonstration de ce que le testament qu’il revendique a été rédigé dans un intervalle lucide, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé, sur le fondement de l’insanité d’esprit, le testament olographe rédigé par Ah B Aj le 15 décembre 2011 au profit de M. Aa A. »

 

Dans le cadre d’un litige relatif à la question de l’insanité du testateur, il est hautement recommandé de faire appel à un Avocat spécialiste en droit civil et droit des successions.

 

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