Procuration et prélèvements : recel successoral ?

Les héritiers et autres successibles peuvent être conduit à agir en recel successoral en cas de procuration confiée à l’un des héritiers pour gérer le patrimoine du de cujus et ses dépenses courantes. Ils pourront par exemple demander une expertise qui révélera que le mandataire a détourné des sommes à son profit.

 

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1- L’action en recel successoral en cas de prélèvement bancaire effectué par l’héritier bénéficiaire de la procuration

 

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L’action en recel successoral peut être exercée en cas de procuration confiée à l’un des héritiers qui aurait profité de sa situation pour détourner une partie de l’héritage du défunt à son avantage.

Dans le cas où une personne se voit confier une procuration sur les comptes bancaires, les autres héritiers ou successibles peuvent suspecter un détournement d’héritage lorsque le relevé des comptes bancaires du défunt fait apparaître des prélèvements bancaires ou autres transferts d’argent (chèques, virements), ou retraits douteux. En effet, les autres héritiers peuvent parfois constater que la personne à qui la procuration a été confiée (souvent un des héritiers) a exercé sur le défunt une pression psychologique afin que des sommes soient détournées à son profit, car la preuve du recel successoral devra être établie pour obtenir une décision de condamnation.

2- Difficultés de preuve et moyens de défense soulevés par l’héritier bénéficiaire de la procuration

Face à une action en détournement d’héritage, l’héritier à qui s’était vue confiée la procuration devra assurer sa défense en faisant appel aux services d’un Avocat en droit des successions. La constitution d’Avocat est d’ailleurs une obligation lorsque l’héritier est attrait devant le tribunal judiciaire et que des sommes supérieures à 10 000 euros lui sont réclamées.

Exemple récent : CA Riom, 01-09-2020, n° 19/00345

Dans cette affaire de recel successoral, l’héritier bénéficiaire de la procuration a soutenu en défense que les dépenses effectuées sur le compte du défunt avaient servies à régler les travaux de rénovation de la maison du défunt. Cette défense a ainsi permis à l’héritier de ne pas être condamné au recel de succession.

 

« COUR D’APPEL

DE RIOM

Deuxième Chambre Civile

ARRET N° 292

DU 01 septembre 2020

AFFAIRE N° : N° RG 19/00345 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FFCJ

AG/RG

ARRÊT RENDU LE UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT

ENTRE :

Monsieur Aa A

ET:

Madame Ab B

INTIME

Décision déférée à la cour :

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 18 décembre 2018, enregistrée sous le n° 17/02545

(…)

FAITS ET PROCÉDURE

Par un jugement en date du 18 décembre 2018 le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :

– Ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Ac C,

– Commis Me Edouard Perraud , notaire, avec faculté de délégation pour procéder à ces opérations,

– Débouté Monsieur Aa A de sa demande tendant à voir juger que la qualification de recel successoral sera retenue pour toutes les opérations dont Mme B est à l’origine,

– Débouté Monsieur A de sa demande d’expertise,

– Dit n’y avoir lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du CPC et débouté les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du CPC,

Monsieur A a interjeté appel le 19 février 2019.

Il expose, suivant des conclusions en date du 20 août 2019, que sa mère , Mme C, est décédée le 20 octobre 2013 en laissant pour lui succéder Mme Ab A épouse B et lui-même.

Il soutient que sa mère se trouvait depuis plusieurs années en situation de dépendance physique et psychologique en raison d’un cancer et d’un AVC.

Elle se trouvait ainsi vulnérable et sa fille, Evelyne, aurait exercé sur elle une emprise psychologique incontestable ; notamment au regard des procurations sur tous les comptes qui lui avaient été consenties.

Elle aurait utilisé les instruments bancaires pour détourner à son profit des sommes importantes.

L’instauration d’une mesure de protection était sollicitée et l’examen médical pratiqué le 30 avril 2013 aurait fait état de son incapacité totale à gérer ses affaires. Elle était ainsi placée sous sauvegarde de justice le 20 juin 2013.

Monsieur A soutient qu’à l’examen des comptes bancaires, il se serait avéré que sa sœur avait prélevé une somme globale de 99 321 euros sur une période de 30 mois.

Eu égard aux revenus mensuels de Mme C qui s’élevaient à la somme de 1700 euros, Mme B se serait livrée à un véritable pillage des comptes de sa mère.

Monsieur A sollicite ainsi qu’il soit dit et jugé que cette dernière a recelé la somme de 99 321 euros au préjudice de la succession et qu’elle sera ainsi privée de tous droits quant au partage de cette somme.

Elle sera condamnée à restituer le montant en question.

Il réclame en outre la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu’une somme de 4000 euros par application de l’article 700 du CPC.

Subsidiairement , une expertise comptable sera ordonnée.

Mme B fait valoir en réponse, suivant des conclusions en date du 19 juin 2019, que Monsieur A a été absent de la vie de sa mère durant vingt sept ans.

Ses parents lui auraient naturellement délégué la gestion de leurs affaires courantes du fait de leurs problèmes de santé.

Mme B indique qu’elle procédait au règlement des factures ainsi qu’à tous les frais nécessaires en effectuant les opérations sur les comptes de sa mère.

Aucun recel successoral ne serait établi.

Une plainte pour abus de faiblesse en date du 26 juin 2017 aurait abouti à un classement sans suite.

Mme B conclut au débouté de Monsieur A et à la confirmation du jugement entrepris.

Elle réclame une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC.

La procédure a été clôturée le 13 mai 2020.

Les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire ont été appliquées.

SUR CE

Attendu que Mme C est décédée le 20 octobre 2013 ; qu’elle avait été mise sous sauvegarde de justice le 20 juin 2013 ;

Attendu que Monsieur A soutient que sa sœur Mme B aurait détourné à son profit personnel une somme globale de 99 321 euros sur trente mois à compter du mois de mai 2011;

Attendu qu’il est constant que Mme B vivait avec ses parents depuis plusieurs années et s’était vue confier la gestion des intérêts financiers de ces derniers en ayant une procuration sur les comptes bancaires ;

Attendu qu’il n’est pas contesté qu’une plainte déposée par Monsieur A en juin 2017 à l’encontre de sa sœur pour abus de faiblesse, a fait l’objet d’un classement sans suite ;

Attendu que Monsieur A présente des tableaux établis par ses soins alléguant de détournements de fonds appartenant à sa mère , par sa sœur ; qu’il convient de constater qu’il s’agit de simples interprétations de sa part n’étant corroborées par aucun élément de preuve tangible établissant une volonté effective de Mme B de détourner à son profit une partie de l’actif successoral ni que les dites opérations étaient effectivement réalisées par Mme B ;

Attendu que cette dernière justifie de la réalité de dépenses liées aux travaux de rénovation de la maison de ses parents ; que par ailleurs elle gérait pour le compte de ceux-ci et réalisait elle-même les opérations nécessaires sans qu’il ne soit possible de démontrer qu’elle tirait un intérêt personnel des opérations en question ; qu’en toute hypothèse Monsieur A ne rapporte pas de preuves en ce sens; que notamment son allégation quant au fait que Mme B aurait effectué des opérations à son seul profit à hauteur de 72 908,53 euros n’est pas établie au regard des documents produits aux débats ; qu’il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé quant au rejet de sa demande au titre d’un recel successoral ;

Attendu qu’il ne peut pas être demandé une mesure d’instruction afin de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve ; que cette prétention sera écartée ;

Attendu qu’il n’est pas inéquitable de condamner Monsieur A à verser à Mme B la somme de 2000 euros par application de l’article 700 du CPC en cause d’appel;

Attendu que les dépens de la procédure d’appel seront laissés à la charge de Monsieur A ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement (…)

Déclare l’appel recevable en la forme,

Au fond,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 18 décembre 2018,

Déboute Monsieur A de ses demandes,

Condamne Monsieur A à payer à Mme B la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC en cause d’appel,

Condamne Monsieur A aux dépens d’appel en application de l’article 699 du CPC dont distraction au profit de la SCP Dubois-Chemin-Normandin.

Le greffier Le Président ».

 

Conclusion :

Un prélèvement effectué par le bénéficiaire de la procuration bancaire ne donnera pas automatiquement lieu à une sanction de recel successoral. Face à une telle situation, en demande comme en défense, faites vous assister par un Avocat spécialiste en droit des successions.

 

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