Présent d’usage : quel est le montant maximum pour une succession ?

La question du montant maximum pour un présent d’usage est une problématique récurrente dans le contentieux successoral car il est fréquent qu’un héritier ait bénéficié de sommes d’argent qui doivent recevoir une telle qualification. La détermination du montant maximum dépend de plusieurs paramètres.

 

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1- Notion de présent d’usage en matière de succession

Par principe, toute donation reçue par un héritier doit être rapportée à la masse à partager, étant compris dans l’actif successoral.

Un présent d’usage est un cadeau offert par le de cujus à une personne, généralement un héritier, un conjoint survivant ou une personne appelée à succéder, et qui n’est pas soumise à l’obligation au rapport.

Généralement, ce cadeau d’usage prend la forme d’une somme d’argent dont le montant peut être plus ou moins élevé.

Le présent d’usage est un cadeau offert à l’occasion d’un événement particulier, en accord avec une tradition sociale ou familiale. Contrairement aux libéralités classiques, il se distingue par sa valeur modique et son caractère usuel. Ce mécanisme est exclu du régime juridique et fiscal des donations, ce qui signifie qu’il n’a pas à être rapporté à la succession du donateur (article 852 du Code civil).

Les critères pour qualifier un présent d’usage

Pour être reconnu comme tel, un présent d’usage doit respecter deux conditions essentielles :

  • un usage social ou familial : il doit être offert à l’occasion d’événements tels que mariages, anniversaires, fêtes de fin d’année ou encore naissances,
  • une valeur modique : cette notion est relative et s’apprécie en fonction de la fortune du donateur au moment de l’acte.

Ainsi, un même montant pourra être considéré comme un présent d’usage pour une personne fortunée mais comme une donation pour une personne au patrimoine modeste.

2- Montant maximum : une appréciation au cas par cas

Contrairement aux donations, le présent d’usage ne bénéficie d’aucun plafond strictement défini. Son montant est évalué au cas par cas, en fonction des circonstances et des ressources du donateur.

Si le montant du cadeau d’usage est trop élevé, les autres héritiers peuvent légitimement contester la qualification de présent d’usage, en vu d’obtenir la qualification de donation soumise au rapport à l’héritage.

Il n’existe pas de montant maximum de présent d’usage en tant que tel.

Le montant maximum du présent d’usage est fixé en fonction des ressources du de cujus et de la valeur globale de la succession.

L’absence de règles précises

L’administration fiscale ne fixe aucune proportionnalité stricte entre la valeur du présent et la fortune du donateur. Ce sont donc les juges du fond qui apprécient au cas par cas si un don peut être considéré comme un présent d’usage ou une donation.

Exemples jurisprudentiels

  • Aquarelles de 10 700 € offertes pour un mariage
    • Jugé modique compte tenu de la grande fortune du donateur, même si la valeur du cadeau a augmenté par la suite.
  • Deux chèques de 7 500 € remis pour Noël
    • Qualifiés de présents d’usage, en raison du contexte festif et de la fortune du donateur.
  • 15 000 € offerts à chacun des enfants pour Noël
    • Accepté comme un présent d’usage, puisque la donatrice disposait d’un patrimoine supérieur à 1,2 million d’euros.

Ces décisions illustrent que la proportionnalité avec la fortune du donateur est un critère clé.

3- Différence entre un présent d’usage et une donation

Il est important de distinguer le présent d’usage du don manuel, car leur traitement fiscal et successoral diffère.

Le présent d’usage : exonéré de toute taxation

Le présent d’usage :

  • n’est pas taxé et ne doit pas être rapporté à la succession,
  • ne nécessite aucune déclaration fiscale,
  • ne peut pas être contesté par les autres héritiers, sauf abus manifeste.

Le don manuel : soumis à des règles strictes

Le don manuel, en revanche :

  • doit être déclaré à l’administration fiscale,
  • est soumis aux droits de donation au-delà des abattements légaux,
  • doit être rapporté à la succession en l’absence de disposition contraire du donateur.

Un cadeau qui dépasse le seuil de la valeur modique peut donc être requalifié en donation par le fisc ou les autres héritiers.

4- Risques de requalification en donation

Quels sont les critères de requalification ?

Un présent d’usage peut être requalifié en donation déguisée si :

  • il excède significativement la capacité financière du donateur,
  • il ne respecte pas l’occasion festive ou familiale,
  • il est répété et récurrent, ce qui traduit une volonté de transmission de patrimoine.

Conséquences fiscales d’une requalification

Si l’administration fiscale ou un héritier conteste un présent d’usage, il peut être :

  • soumis aux droits de donation avec des pénalités pour dissimulation fiscale,
  • réintégré à la succession, ce qui peut déséquilibrer le partage entre héritiers.

Il est donc recommandé d’éviter des présents excessifs qui pourraient être interprétés comme des transmissions déguisées.

5- Comment prouver le caractère d’un présent d’usage ?

En cas de contestation, il est important de pouvoir justifier du caractère de présent d’usage en conservant des preuves écrites.

Les bonnes pratiques pour éviter toute requalification

  • conserver des justificatifs (factures, cartes de vœux, preuves de l’événement),
  • éviter des montants disproportionnés par rapport à son revenu ou patrimoine,
  • respecter l’occasion festive pour justifier l’intention du cadeau,
  • ne pas effectuer de virements directs trop élevés, qui pourraient attirer l’attention du fisc.

En résumé :

✔️ Un présent d’usage est un cadeau fait à l’occasion d’un événement familial ou social.
✔️ Il doit être d’une valeur modique par rapport à la fortune du donateur.
✔️ Il n’a pas à être déclaré ni rapporté à la succession.
✔️ Il peut être contesté s’il est jugé disproportionné.
✔️ En cas de litige, l’assistance d’un avocat en droit des successions est recommandée.

 

Exemple de détermination du montant maximum d’un cadeau d’usage :

« Un présent d’usage de 5 000 euros peut paraitre dérisoire lorsque l’actif successoral s’évalue à plus d’1 millions d’euros. Alors que cette somme devra être rapportée dans la succession si l’actif s’élève à 10 000 euros.  

Exemple de décision de jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 24-11-2021, n° 19/17004

Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune de M. Ad Ab produit de nombreuses attestations, émanant notamment des soignants de Ai Aj, qui établissant qu’il s’occupait de sa mère et de ses biens immobiliers, contrairement aux autres héritiers qui vivaient loin de celle-ci.

Mme Ac Ab justifie de dons d’argent, au titre des cadeaux d’usage, ce qui ressort sans ambiguité des cartes postales envoyées par la défunte.

Si les revenus de Ai Aj ne sont pas justifiés par l’appelant, l’actif successoral est évalué à plus de 610 000 euros, le bien immobilier situé à TOULON ayant été vendu le 9 juin 2017 pour une somme de 280 000 € et le bien de PLEURTUIT à la somme de 400 000 €, pour un passif estimé à 4 374,92 €, frais funéraires inclus. Les dons manuels, lissés sur une période de dix ans ne revêtent donc pas un caractère excessif.

De même, les retraits bancaires estimés par l’appelant à la somme de 152 550 € sur une période qu’il détermine du 1er janvier 2006 au 7 mars 2016, représentent des retraits mensuels en moyenne de 1 250 € par mois, n’apparaît pas excessif pour les besoins de la défunte, qui en outre, selon les attestations produites, bénéficiait de toutes ses facultés mentales.

Cette moyenne mensuelle est particulièrement raisonnable par rapport aux frais des résidences pour personnes âgées ou aides à domicile que Ai Aj aurait dû engager.

Ainsi, la sœur de la défunte, et tante des parties, atteste le 9 juin 2017 que la défunte ‘âgée de 89 ans avait gardé toute sa présence d’esprit et était très normale et sortait librement. Son dernier fils était auprès d’elle depuis l’an 2000 à Pleurtuit, car les 3 autres enfants étaient au loin avec leur famille’.

Il ressort également des attestations que M. Ad Ab entretenait les biens immeubles situés à PLEURTUIT et à TOULON.

Si M. Aa Ab a recensé les sommes censées avoir été données à son frère et à sa sœur, en revanche il est taisant sur les sommes qu’il aurait lui-même, ainsi que Mme Ae Ab, reçu.

Ainsi, les copies des chèques permettent d’établir que Ai Aj a, le 10 juillet 2009, émis 4 chèques d’un montant identique de 5 000 euros, à l’ordre de chacun de ses enfants.

Mme Ae Ab a, quant à elle, bénéficié d’un chèque de 1 000 € le 7 septembre 2009, outre trois retraits effectués à son nom de 1 000 € chacun, les 21 septembre 2012, 9 septembre 2014 et 11 septembre 2015.

Au regard des éléments du dossier, il n’est pas contestable que M. Ad Ab se soit occupé de sa mère pendant de nombreuses années et ait entretenu le patrimoine familial, ce qui allait bénéficier à ses frère et sœurs dans le cadre la vente des biens.

Son implication auprès de sa mère relève des cadeaux d’usage de l’article 852 du code civil, en l’absence de toute volonté exprimée et contraire de la défunte.

Concernant le train de vie de la défunte, M. Aa Ab produit un tableau publié par l’INSEE intitulé ‘dépense annuelle moyenne par ménage selon le type de ménage – tableau B-5″, il convient de noter que ce tableau a été publié en 2006, soit 10 ans avant le décès de Ai Ab. Celle-ci avait le droit de disposer à sa guise de son patrimoine, les enfants ne bénéficiant que d’une vocation à hériter.

M. Aa Ab n’apporte aucun élément nouveau susceptible de caractériser des détournements de la part de M. Ad Ab et de Mme Ac Ab.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté ce dernier et Mme Ae Ab de leurs demandes afférentes aux dons manuels et retraits bancaires.

En conséquence, le jugement querellé doit être confirmé de ce chef. »

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