Peut-on contester une donation simple ?
Contester une donation simple, comme une donation partage est possible mais il est vivement recommandé de faire appel à un Avocat pour apprécier l’opportunité de l’action au préalable, ainsi que le fondement de l’action : demande de nullité de la donation ou action en recel successoral, etc.
Rappel sur la définition de la donation simple :
La donation simple se distingue de la donation-partage (réalisée au profit des héritiers présomptifs) et des donations graduelles et résiduelles. Cliquez-ici pour accéder à une définition des différentes donations.
1- Comment contester une donation simple ?
Il existe plusieurs façons de contester une donation simple : demande en nullité de la donation, action en recel successoral, à savoir demande de rapport à la succession de la donation réalisée avant décès par le défunt.
2- Peut-on demander la nullité d’une donation simple ?
Contester une donation simple en demandant la nullité de la donation est plus ou moins compliqué dans la mesure où la donation est un contrat (et plus exactement un contrat synallagmatique) réalisé par acte authentique. Ainsi, la nullité de l’acte authentique doit en principe donner lieu à une action en inscription de faux de l’acte de donation. L’action en inscription de faux prévue par l’article 1371 du code civil est en effet la seule façon d’obtenir la nullité d’un acte authentique.
Ainsi, contester la validité d’une donation simple en prétendant que le donateur n’était pas sain d’esprit au moment de la donation n’est pas en principe suffisant, dans la mesure où la donation a en principe été réalisé devant notaire, ce qui doit donner lieue à une action en inscription de faux.
Exemple récent d’affaire en contestation de donation :
CA Reims, 02-10-2020, n° 18/02687
Dans cette affaire, l’héritier lésé a introduit une action en vue de contester une donation simple, en sollicitant la nullité de l’acte au regard de l’insanité d’esprit du donateur.
La Cour d’appel de Reims a rejeté l’action en contestation de donation simple aux motifs que l’insanité d’esprit n’était pas démontrée et que
« Sur la nullité alléguée de la donation :
Attendu que le fondement de la lésion des 7/12e invoqué par les consorts Ab n’est juridiquement pas admis par les articles 887 et suivants anciens du code civil en matière de donation de sorte que l’action des intéressés ne peut ici prospérer comme cela a été précédemment développé au titre des moyens d’irrecevabilité soulevés par le défendeur et comme cela a été justement retenu par le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières ;
Attendu que les consorts Ab invoquent un autre fondement tiré de l’insanité d’esprit du donateur lors de l’acte litigieux, soit au visa de l’article 414-1 du code civil… ».
L’article article 414-1 du code civil dispose que :
« Qu’au soutien de leur action, les consorts Ab, qui énoncent que leur auteur a été placé sous tutelle courant octobre 2013, communiquent sur cette question les rapports rédigés le 16 janvier 2019 par M. Am An, expert en écritures inscrit sur la liste de la cour d’appel de Toulouse, lequel a été chargé par M. Aa Ab de procéder à la comparaison de la signature attribuée sur l’acte litigieux à son père avec des spécimens de l’écriture de ce dernier ;
Que le fait que M. An considère que la signature en question mentionnée sur l’acte de donation ne peut être celle de M. Ad Af Ab, et que cette signature traduise différents tremblements n’apporte aucun élément utile à la question de l’insanité d’esprit du signataire ;
Qu’en effet, s’il est soutenu que la signature en question ne peut être celle de M. Ad Af Ab, ce qui correspond à la conclusion de M. An, l’existence de tremblements est sans conséquence et ne peut traduire un affaiblissement des capacités intellectuelles imputable à l’auteur des consorts Ab ;
Qu’en outre, le placement en octobre 2013 de M. Ad Af Ab sous mesure judiciaire de protection, soit plus de 2 ans après l’acte contesté, ne saurait caractériser une quelconque insanité d’esprit du signataire au moment où la donation a été établie ;
Que ce fondement juridique ne peut donc asseoir l’action en nullité des consorts Ab, étant ajouté que si ces derniers émettent des doutes sur le fait même que leur auteur ait pu se déplacer à l’étude notariale le 26 mars 2011 alors que la lecture de l’acte contesté mentionne explicitement que M. Ad Af Ab, donateur, est présent au même titre que le donataire, cet acte authentique fait foi, pour ses termes objectivement relevés par le notaire, jusqu’à inscription de faux ;
Que les consorts Ab ne justifiant pas de la mise en ‘uvre de la procédure décrite à cette fin à l’article 286 du code de procédure civile, la cour tient pour acquis que le donateur désigné dans l’acte notarié était présent le 26 mars 2011 en l’étude de Me Mouzon, notaire associé à Charleville-Mézières, pour signer l’acte contesté par les consorts Ab ;
Que le jugement déféré sera ainsi également confirmé en ce qu’il a débouté ces derniers de leur action en nullité de la donation querellée … ».
L’action en contestation de donation a donc été rejetée.
3- Contester une donation simple par le biais de l’action en recel successoral
Il est également possible de contester une donation simple sur le fondement du recel successoral, lorsque la donation a été réalisée par le défunt sans que les autres héritiers ou successibles n’en aient été informés et sans que les biens objets de la donation n’aient été soumis au partage. L’action visera donc à rapporter le ou les biens compris dans la donation afin qu’ils soient soumis au partage, sans que le bénéficiaire de la donation ne puisse participer audit partage à titre de sanction civile. Cliquez ici pour en savoir plus sur la sanction du recel successoral.
Néanmoins, dans une telle situation, l’action en recel successoral suppose de démontrer l’intention frauduleuse du bénéficiaire de la donation. Et cette intention frauduleuse doit être démontrer par celui qui entend contester la donation simple. A défaut, l’action en recel successoral sera rejeté, et le demandeur pourra seulement obtenir le rapport à la succession des biens objet de la donation.
Exemple :
même arrêt, CA Reims, 02-10-2020, n° 18/02687
« Sur le recel successoral reproché à M. Ad Ag Ab :
Attendu que l’article 778 du code civil dispose que, sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession [—] est réputé accepter purement ou simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou droits détournés ou recelés.
[—]. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part ;
Qu’il est constant que, quel que soit le procédé utilisé, le recel successoral suppose pour être établi que soit démontrée par ceux qui l’invoquent l’intention frauduleuse d’un héritier de rompre l’égalité du partage ;
Qu’il faut en l’espèce rappeler que la donation du 26 mars 2011 est le fait de M. Ad Af Ab aujourd’hui décédé en faveur de son fils M. Ad Ag Ab, cet acte ayant été dressé en la forme authentique et dûment publié, ces seules données n’étant pas de nature à caractériser un recel au détriment des autres cohéritiers, l’acte rédigé par Me Mouzon mentionnant de manière très explicite que «les parties précisent qu’elles n’entendent apporter aucune dérogation aux règles légales relatives au rapport à faire par le donataire à raison de la présente donation» ;
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Que la valeur des biens retenue dans l’acte à raison de 25 000 euros en toute propriété est certes vigoureusement contestée par les consorts Ab qui versent au débat le rapport judiciaire de M. Al, lequel retient pour les biens objet de la donation une valeur globale au 10 août 2016 de 141 000 euros ;
Qu’une telle différence de valeur nourrit selon les consorts Ab le soupçon de donation déguisée dont leur frère Ad Ag Ab aurait ainsi bénéficié, étant précisé que la donation ne mentionne même pas l’implantation d’un relais de chasse qui fait partie intégrante des parcelles en question ;
Qu’outre la question qui se pose de savoir si l’immeuble bâti ainsi signalé fait effectivement partie de la donation en question, il est acquis que tous les biens ainsi donnés à M. Ad Ag Ab doivent être rapportés à la succession et seront soumis aux dispositions de l’article 860 alinéa 1 du code civil selon lesquelles le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation ;
Qu’ainsi, l’indication dans la donation d’une valeur globale des biens qui en sont l’objet de 25 000 euros ne lèse le cas échéant que l’administration fiscale et certainement pas les cohéritiers qui ne manqueront pas de rappeler les conclusions du rapport d’expertise judiciaire de M. Al pour obtenir une revalorisation des biens rapportés à la masse successorale ;
Que M. Ad Ag Ab n’est pas l’auteur de la donation contestée, ce qui est uniquement le fait de son père, le fils donataire s’étant contenté de l’accepter ;
Qu’en définitive, la justification par les consorts Ab de manœuvres dolosives ou d’une fraude de la part de leur frère Ad Ag dans l’intention de rompre l’égalité du partage n’est pas rapportée et c’est à raison que les premiers juges ont écarté cette qualification et partant la sanction civile requise, le jugement étant aussi confirmé de ce chef ».
Conclusion :
Il est possible de contester une donation simple mais il vous est vivement recommandé de faire appel à un Avocat en droit des successions en vue de déterminer la stratégie à adopter et le fondement textuel de l’action préconisée.