Hébergement à titre gratuit et décès : avantage indirect rapportable ?

 

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L’hébergement à titre gratuit de l’un des héritiers avant le décès du de cujus pose la question de savoir s’il s’agit d’un avantage indirect devant être rapporté à la succession. En effet, cet hébergement constitue certainement une économie de dépense pour l’un des héritiers au détriment des autres.

 

Conformément au principe de l’égalité entre les héritiers, l’ensemble des donations et avantages consentis par le défunt à l’un des héritiers doivent être rapportés à la succession et soumis au partage. Le fait de ne pas déclarer aux autres héritiers un avantage constitue l’acte de recel de succession.

L’hébergement à titre gratuit de l’un des héritier ou successible est-il un avantage indirect devant être rapporté à la succession ?

 

1- Principe : l’hébergement à titre gratuit constitue rarement un avantage indirect

En principe, l’hébergement à titre gratuit avant le décès du de cujus d’un héritier ou successible ne constitue pas un avantage indirect rapportable ; à moins que la preuve d’un appauvrissement du de cujus ne soit rapportée.

Ainsi, les juridictions françaises font preuve de pragmatisme et de logique en la matière, et relèvent que dans de nombreux cas, l’hébergement à titre gratuit d’un héritier ne constitue pas un appauvrissement pour le défunt, mais plutôt un « avantage ». En effet, souvent, le fait que l’un des héritiers habite gratuitement au domicile du défunt avant son décès ne l’appauvrit pas, mais lui permet au contraire d’éviter des dépenses plus importantes, notamment en termes de soins quotidien et de repas.

L’occupation du logement du défunt par l’un des héritiers n’est donc pas en principe un avantage rapportable à la succession.

Exemple de décision ayant refusé de considérer un hébergement à titre gratuit comme avantage indirect :

A titre d’illustration, dans un arrêt récent, la Cour d’appel a rejeté l’action en recel successoral formée par l’un des héritiers contre un autre héritier ayant vécu au domicile du défunt en ces termes :

« Les consorts A soutiennent en premier lieu que leur frère a bénéficié d’un avantage indirect en étant hébergé et nourri par ses parents jusqu’à l’âge de 49 ans et qu’il a vidé la maison de ses parents après leur décès.

Ag A répond qu’il a apporté un soutien à sa mère et qu’un inventaire du mobilier successoral avait été dressé au domicile des défunts.

Monsieur Ag A, né en 1959, a vécu au domicile parental jusqu’au 12 février 2008, date à laquelle il a bénéficié par licitation de la maison voisine de celle de ses parents.

Les consorts A ne produisent aucun élément de nature à démontrer que l’hébergement de Ag jusqu’au décès de Monsieur A, ait procédé d’une intention libérale entraînant un appauvrissement pour les parents A. Après le décès de Monsieur A, Ag a vécu un an au domicile de sa mère avant d’emménager dans la maison voisine. Les revenus de Madame A étaient de l’ordre de 1 000 € par mois. Elle bénéficiait d’interventions extérieures pour ses soins quotidiens et ses repas. Ainsi le coût de ces interventions pour l’hygiène corporelle était de l’ordre de 9 000 €. Nonobstant ses faibles revenus et ses dépenses importantes, ces relevés de compte pour l’année 2008 font apparaître chaque mois un solde créditeur de l’ordre de 2 500 à 3 500 €. Il ressort de ces éléments que Ag A a apporté par sa présence un réel soutien à sa mère, qui a en outre évité que les dépenses permettant le maintien à domicile soient encore plus importantes. Il en résulte que cet hébergement n’a pas causé d’appauvrissement à Madame A et ne peut donner lieu aux sanctions du recel ».

(CA Rennes, 08-09-2020, n° 18/06435)

2- Cas dans lesquels un hébergement gratuit constitue un avantage indirect rapportable

A contrario, l’hébergement gratuit d’un héritier pourra être considéré comme un avantage indirect devant être soumis au rapport lorsqu’il en résulte un appauvrissement pour le défunt. Exemple : preuve que les dépenses du défunt ont augmentée depuis que l’héritier a été hébergé, notamment s’agissant des dépenses de vie courante (alimentation, etc.). Aussi, et suivant le raisonnement de l’arrêt susvisé, l’appauvrissement pourra être établit lorsque les dépenses de soin quotidien et repas du défunt n’ont pas diminuées depuis le début de l’hébergement de l’héritier, ou ont même augmentées. En ce cas, l’hébergement à titre gratuit avant le décès pourra être considéré comme avantage indirect.

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