La réintégration de l’assurance vie dans la succession en cas d’incompatibilité avec les revenus du défunt

La réintégration des sommes versées dans le cadre d’un contrat d’assurance vie peut être demandée en cas d’incompatibilité des primes versées avec les revenus perçus par le défunt avant son décès pour subvenir à ses besoins de vie courants.

 

1- La demande de réintégration de l’assurance-vie dans la succession

La réintégration de l’assurance vie dans la succession n’est pas une décision anodine. Seul le tribunal peut ordonner le rapport à la succession de l’assurance-vie, le notaire ne pouvant exiger une telle réintégration en cas de désaccord des héritiers. La demande de réintégration dans l’actif successoral des primes d’assurances vie devra ainsi faire l’objet d’une demande formée par l’intermédiaire d’un Avocat en droit des successions devant un tribunal judiciaire.

2- Cas de réintégration de l’assurance-vie dans la succession

Dans cette décision (CA Rouen, 24-02-2021, n° 19/00888), la Cour d’appel a prononcé la réintégration de l’assurance-vie dans la succession au regard de deux éléments :

  • l’incompatibilité de l’objet du contrat d’assurance-vie avec la réalité : l’objet était de constituer une épargne pour la retraite de l’assuré, or celui-ci était âgé de 90 ans au jours de la souscription
  • l’incompatibilité des primes versées (390 euros) avec les revenus du défunt (1200 euros).

Dans ces conditions, le tribunal a décidé de réintégrer les primes d’assurances vie dans l’héritage du défunt soumis au partage.

« Sur le rapport à succession

Attendu que l’article L 132-12 du code des assurances précise (…) ; que l’article L 132-13 dudit code précise que (…). Attendu que le contrat d’épargne retraite n° 0010394624 a été souscrit le 31 octobre 1990, a fait l’objet d’une affectation de primes à hauteur de 3048,98 euros avant l’âge de 70 ans du souscripteur et de 30 032,46 euros après l’âge de 70 ans ; que les époux A ont partagé une vie commune jusqu’en avril 2007 alors que madame A avait atteint l’âge de 70 ans en septembre 1991 ; que peu de temps après le décès de monsieur A, le montant créditeur du contrat ne s’élevait qu’à la somme de 5 138,35 euros suivant relevé AGF du 1er juillet 2007 ; que dès lors, les primes versées à hauteur de 30 032, 46 euros (2013) ‘ 5 138,35 euros (2007) soit 24 894,11 euros l’ont été sur la période comprise entre juillet 2007 et janvier 2013 (mois du décès de madame A) alors que madame A avait atteint l’âge de 86 ans en 2007 et a été installée dans un établissement de retraite en 2009 ; que ce capital représente des mensualités de 383 euros par mois sur 65 mois ;

Attendu que le contrat d’assurance vie autonomie n°0060206923 a été souscrit en 2001 soit un capital intégralement versé à hauteur de 26 321,45 euros suivant attestation de la compagnie d’assurance, après l’âge de 70 ans du souscripteur et alors qu’en 2007 soit au décès de monsieur A le montant créditeur s’élevait à la somme de 28 125, 86 euros ; que lors de la souscription, un capital de 50 225 francs a été versé soit 7 656 euros ; que le capital versé de 2001 à 2007 représente la somme de 26 321 ‘ 7 656 euros soit 18 665 euros et des mensualités sur 73 mois de 255, 70 euros ;

Attendu que sur la période ouverte de 2001 à 2007, le couple A bénéficiait de retraites dont il n’est pas parfaitement justifié ; qu’en effet, le relevé bancaire de décembre 2018 porte mention de différentes sommes créditées venant de la CRAM, de l’Ircantec ou de la Caisse de dépôts et de consignations (« CDC pens ») sans qu’il ne soit possible de vérifier les conditions de ces versements (mensuels ou trimestriels, exceptionnels ou récurrents) ; que cependant, compte tenu des ressources établies pour l’épouse ultérieurement, le couple percevait, suivant conclusions des parties, des pensions un peu inférieures à la somme de 2 000 euros par mois et disposait au moins pour partie du capital provenant de l’immeuble vendu en juin 1998 au prix de 395 000 francs soit 60 217 euros ; que lors de la souscription du contrat, madame A vivait avec son époux ; que le couple pouvait anticiper des besoins liés au prédécès de l’un des conjoints et les frais liés à la dépendance ; qu’aucun versement ne se révèle manifestement excessif compte tenu de la situation familiale du souscripteur lors de la signature du contrat puis au cours des versements qui interviendront intégralement avant le décès du conjoint, la majoration du montant créditeur étant à rechercher dans la perception des intérêts annuels ; qu’il n’est pas établi que madame Af A ait modifié le nom des bénéficiaires dans des conditions discutables ; que les bénéficiaires ont pu sans grief percevoir les fonds en application de ce contrat ;

Attendu que durant la période courant d’août 2007 jusqu’au décès de madame A, la somme de 24 894,11 euros correspondant à des mensualités de 383 euros a été affectée au contrat d’épargne retraite et notamment alors que madame A vivait en établissement et que le rapport revenus et charges était fixé ; que l’objectif du contrat, la constitution d’une épargne pour la retraite, était totalement décalé au regard de l’âge de l’intéressée de plus ou moins 90 ans ; que ses revenus de l’ordre de 1 200 euros devait lui permettre de faire face aux frais de la maison de retraite (57 euros par jour en 2009 x 30 = 1710 euros sans compter les frais personnels) ; que la constitution du capital est incompatible avec les revenus de la défunte et correspond manifestement à un détournement de l’objet du contrat ; que la somme capitalisée durant cette période sera rapportée à la succession outre les intérêts échus en application du contrat du 1er août 2007, mois suivant le décès du conjoint, jusqu’au décès de madame A et à hauteur de moitié pour chacune des bénéficiaires du contrat ;

Attendu que la juridiction ne peut en l’état calculer précisément la quotité disponible et la part revenant à chacune en l’absence de production relative aux intérêts échus au taux du contrat année après année ; que si mesdames C et X sollicitent, à titre subsidiaire et précisément dans cette hypothèse, une répartition du montant du rapport en quatre parts égales, madame Aa B ne se prononce pas dans ses écritures sur cette proposition amiable favorable à l’ensemble des parties ; que madame Ad A s’en rapporte à justice sans émettre d’avis sur les différentes possibilités ; que dès lors, un notaire sera désigné exclusivement pour procéder au calcul des droits des parties et formaliser tout accord entre elles ; que le jugement sera infirmé partiellement. »

 

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