5 points sur le droit du descendant de réclamer un salaire différé

La faculté pour un descendant de réclamer un salaire différé est expressément prévue par le code rural. Ainsi, le descendant tout comme le conjoint pourra solliciter une créance de salaire différé correspondant au travail qu’ils ont fourni pour le compte de l’exploitation familiale agricole.

 

descendant-réclamer-un-salaire-différé

 

Le descendant pourra réclamer un salaire différé à l’ensemble de la succession : il s’agit d’un droit de créance sur l’actif successoral.

 

5 points sur le droit du descendant de réclamer un salaire différé :

  1. A qui appartient le droit de réclamer un salaire différé ?
  2. Quelles sont les conditions pour réclamer un salaire différé ?
  3. Comment est évalué le montant du salaire différé ?
  4. Jusqu’à quelle date la créance de salaire différé peut être réclamée ?
  5. Comment prouver un droit à salaire différé ?

***

 

1- A qui appartient le droit de réclamer un salaire différé ?

Les articles L. 321-13 à L. 321-21 du code rural et de la pêche maritime prévoient un droit à salaire différé pour le descendant ou conjoint survivant ayant travaillé au sein de l’exploitation agricole familiale sans rémunération. Tous les descendants sont donc concernés : enfants, petits-enfants, etc.

descendant-réclamer-un-salaire-différé-code-rural-créance-ferme-exploitation-agricole

 

2-Quelles sont les conditions pour réclamer un salaire différé ?

Le droit pour le descendant de réclamer un salaire différé est subordonné à trois conditions :

  • être majeur, c’est-à-dire âgé de plus de 18 ans
  • avoir participé directement à l’exploitation agricole
  • n’avoir reçu aucune contrepartie en argent du fait du travail fourni.

Cette dernière condition signifie que le descendant ne pourra en aucun cas demander un salaire différé s’il a été associé aux résultats de l’entreprise familiale, ou s’il a déjà perçu un salaire.

3- Comment est évalué le montant du salaire différé ?

Le salaire différé est basé sur le SMIC brut en vigueur. Ainsi, le descendant ne pourra en principe réclamer le paiement d’une somme allant au-delà du montant du SMIC en vigueur, à moins qu’il soit en mesure de démontrer que le travail fourni mérite davantage (heures supplémentaires, etc.).

4- Jusqu’à quelle date la créance de salaire différé peut être réclamée ?

Le droit au salaire différé ne peut en principe dépasser la somme représentant le montant de la rémunération due pour dix années. Même si le descendant a travaillé au-delà de dix ans, il ne pourra en principe réclamer un salaire différé au-delà de dix ans.

5- Comment prouver un droit à salaire différé ?

 

descendant-réclamer-un-salaire-différé-code-rural-créance-ferme-

 

Source image : site Nioumi

Comment démontrer que l’on a travaillé à la ferme ou à l’exploitation agricole, en présence d’autres membres de l’exploitation familiale déniant toute participation du descendant en question ? La preuve d’une créance de salaire différé représente ainsi une difficulté importante pour un descendant comme pour un conjoint. Cela est d’autant plus vrai au regard du principe selon lequel « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ».

En vue de préparer la preuve d’un droit à salaire différé, n’hésitez pas à prendre conseil auprès d’un Avocat en droit successoral.

Des attestations peuvent dans certains cas suffire, mais elles peuvent aussi se révéler insuffisantes, notamment si elles n’évoquent pas l’absence de salaire reçu en contrepartie du travail fourni par le descendant.

Un arrêt récent illustre parfaitement cette difficulté (CA Rennes, 08-09-2020, n° 18/06435) :

« Sur les créances de salaire différé des consorts A :

Messieurs A soutiennent qu’ils ont toujours participé à l’exploitation familiale.

Monsieur Ag A répond qu’aux termes des conclusions de ses frères, sa créance n’est plus contestée ; que ses frères ne rapportent pas la preuve d’un travail pour le compte de l’exploitation familiale sans contrepartie.

Ceci étant exposé :

(…)

Il incombe aux consorts A, qui se prétendent titulaire d’une créance de salaire différé, de rapporter la preuve de leur collaboration et de l’absence de contrepartie.

Les consorts A produisent aux débats les attestations qu’ils ont eux mêmes rédigées et qui n’ont pas de valeur probante, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi même. Ils produisent des attestations de tiers qui justifient de la réalité de leurs travaux pour l’exploitation familiale mais sont insuffisantes à rapporter la preuve de l’absence de contrepartie, les témoins ne rapportant pas d’observation personnelle directe sur ce point.

Sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise sur ce point, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il les a déboutés de ce chef de demande.

Les consorts A, ne présentant pas de demande aux fins d’infirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a dit que Ag A était titulaire d’une créance de salaire différé, le jugement sera confirmé sur ce point ».

 

Cas pratiques de réclamation d’un salaire différé par un héritier

 

Cas pratique Réponse juridique
Un descendant ayant travaillé gratuitement sur l’exploitation agricole de ses parents de l’âge de 18 ans à 28 ans, sans recevoir de salaire, ni avoir été associé aux bénéfices et pertes de l’exploitation, souhaite demander un salaire différé après le décès de l’exploitant. Le droit au salaire différé est reconnu au descendant qui a participé directement et effectivement à l’exploitation agricole à partir de l’âge de 18 ans, sans être rémunéré ni associé aux bénéfices et pertes (C. rur., art. L. 321-13). La preuve de cette participation peut être rapportée par tous moyens (C. rur., art. L. 321-19). Le montant annuel est calculé sur la base des 2/3 de 2 080 fois le montant horaire du Smic en vigueur à la date de la succession ou du règlement de la créance, dans la limite de 10 années de participation (C. rur., art. L. 321-13, al. 2 ; C. rur., art. L. 321-17, al. 3 ; Cass. 1ère civ., 16-7-1985, n°83-13.929). L’action en reconnaissance et paiement se prescrit dans un délai de cinq ans à compter de l’ouverture de la succession (C. civ., art. 2224 ; C. rur., art. L. 321-14).
Un descendant a travaillé sur l’exploitation agricole de ses parents, puis sur celle de son autre parent survivant après le décès du premier. Il souhaite exercer son droit à un salaire différé sur la succession du second parent. En cas d’exploitants successifs, le descendant peut revendiquer un contrat unique de travail à salaire différé s’il a participé directement et effectivement à chacune des périodes d’exploitation, sans rémunération et sans association aux bénéfices ou pertes (C. rur., art. L. 321-13 ; Cass. 1ère civ., 17-10-2018, n°17-26.725). La créance peut être exercée sur l’une ou l’autre succession, à condition que le contrat ait été effectivement exécuté durant les deux périodes. Si le descendant n’a travaillé que pour le premier exploitant, la créance est due uniquement par la succession du premier décédé (Cass. 1ère civ., 27-2-2013, n°11-28.359). Le délai de prescription de l’action est de cinq ans à compter du décès de l’exploitant concerné (C. civ., art. 2224 ; Cass. 1ère civ., 16-7-1998, n°96-18.079).
Le conjoint d’un descendant, ayant travaillé conjointement avec celui-ci sur l’exploitation agricole de ses beaux-parents, souhaite demander un salaire différé après le décès de l’exploitant. Le conjoint d’un descendant peut bénéficier d’un droit propre au salaire différé, à condition d’avoir participé directement et effectivement à l’exploitation en même temps que le descendant (C. rur., art. L. 321-15 ; Cass. 1ère civ., 29-5-2019, n°18-18.376). La demande doit être limitée aux périodes où le descendant lui-même remplissait les conditions pour prétendre à un salaire différé. En cas de divorce ou de séparation aux torts exclusifs du conjoint, ce droit est perdu (C. rur., art. L. 321-15, al. 2). En l’absence de participation concomitante, le conjoint peut demander une indemnité fondée sur l’enrichissement injustifié, mais cette action est soumise à la prescription quinquennale de droit commun, qui court à compter du jour où les faits permettant de l’exercer ont été connus (C. civ., art. 2224 ; Cass. 1ère civ., 29-5-2019, préc.).

 

L’Avocat spécialiste en droit des successions que vous mandaterez pour réclamer un salaire différé ne manquera pas de vous assister dans l’établissement de la preuve.

error: Content is protected !!