Attribution préférentielle et paiement de la soulte

 

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Tout ayant droit peut solliciter l’attribution préférentielle d’une exploitation agricole ou commerciale dont il est copropriétaire conformément aux dispositions du code civil. Cette attribution préférentielle peut ainsi revenir à l’héritier qui la sollicite contre paiement d’une soulte.

 

1- Conditions du bénéfice de l’attribution préférentielle d’une exploitation agricole ou commerciale

L’attribution préférentielle d’une exploitation agricole, commerciale ou artisanale peut bénéficier au conjoint survivant ou à un héritier réservataire ou non réservataire. Pour pouvoir solliciter l’attribution préférentielle et paiement de la soulte, il faut en principe avoir participé à l’exploitation de l’entreprise dont il est sollicité l’attribution préférentielle.

2- Paiement de la soulte

L’attribution préférentielle se fait contre paiement d’une soulte, en fonction des droits des coindivisaires de l’exploitation agricole ou commerciale soumise au partage. Le montant de la soulte dépendra de la valeur de l’exploitation, généralement évaluée par le Notaire.

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Exemple : CA Reims, 10-09-2021, n° 20/01123

« ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Suivant acte authentique reçu le 27 octobre 2000 par Me Joëlle Gillet-Draut, notaire à Bar-sur-Aube, M. Ae Ab a fait donation à titre de partage anticipé de la nue-propriété de divers biens immobiliers au profit de ses cinq enfants Aa, Af, Serge, Ad et Ac.

Par actes d’huissier du 21 août 2018, M. Aa Ab a fait assigner Mme Af Ab, M. Ae Ab, M. Ad Ab et M. Ac Ab devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existant entre les parties quant aux biens donnés le 27 octobre 2000.

En l’état de ses dernières écritures, M. Aa Ab demandait à la juridiction saisie de :

– constater que la donation du 27 octobre 2000 reçue par Me Gillet-Draut portant donation entre vifs par M. Ae Ab à ses cinq enfants était une donation simple n’ayant opéré aucun partage,

– ordonner le partage de l’indivision entre les parties,

– ordonner l’attribution au demandeur de la nue-propriété des 35 a 64 ca de terres en appellation Champagne sises à Polisot sur la parcelle cadastrée B n° 1958, «La Côte Chavet», qu’il exploite en vertu de baux datés des 11 avril 1989 et 29 mai 1991,

– désigner tel notaire pour procéder au partage et commettre tout juge pour surveiller les opérations,

– dire que l’ensemble des frais de partage et dépens seront répartis égalitairement entre les donataires copartageants.

Mme Af Ab pour sa part sollicitait du tribunal de grande instance qu’il :

– constate que l’acte de donation-partage du 27 octobre 2000 n’a pas été fait dans les règles de l’art en l’absence de partage,

– ordonne en conséquence qu’il soit mis fin à l’indivision entre les différents héritiers du premier comme du second lit,

– déclare irrecevables, et subsidiairement mal-fondées, les prétentions de M. Aa Ab quant à une attribution préférentielle sur les terres à vignes,

(…)

Au soutien de son recours, l’appelant expose qu’il remplit les critères des articles 831 et suivants du code civil pour qu’il soit fait droit à sa demande d’attribution préférentielle. Il est locataire en place des parcelles revendiquées et s’acquitte régulièrement de son fermage. Il dispose des autorisations administratives pour être exploitant depuis plus de 30 ans, ayant de surcroît planté les vignes. Il est par ailleurs héritier copropriétaire et il peut solliciter l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge pour lui de verser une soulte. Il ne peut dès maintenant lui être fait le grief de ne pas démontrer sa capacité financière dès lors que les parcelles ne sont pas évaluées et que le notaire en charge des opérations de partage sera à même d’estimer les biens et de déterminer par suite les droits de chacun avec le jeu des soultes éventuelles. Cette objection est prématurée et n’a pas à entrer en ligne de compte. Il apparaît par ailleurs paradoxal aux yeux de M. Aa Ab qu’on lui oppose à la fois l’absence de volonté d’exploiter les parcelles et la procédure engagée pour lui délivrer congé.

Mme Af Ab, par des écritures signifiées le 19 février 2021, conclut à la confirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions, au débouté de M. Aa Ab de sa demande d’attribution préférentielle et à sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de mauvaise contestation.

Mme Ab fait en effet valoir que son frère ne peut bénéficier de l’attribution préférentielle de droit sur les parcelles qu’il revendique puisqu’il ne justifie pas de la superficie exploitée. Pour ce qui relève de l’attribution préférentielle ordinaire, Mme Ab précise que la vente de certaines parcelles par son frère démontre son désintérêt pour l’exploitation familiale, les baux qu’il revendique ayant été résiliés à la demande de leur père, lequel a fait délivrer congé à son fils par acte d’huissier du 28 décembre 2016. En outre, elle énonce que son frère Aa ne justifie pas de sa capacité à verser une soulte aux autres coïndivisaires.

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MM. Serge, Ad et Ac Ab, par conclusions signifiées le 22 décembre 2020, demandent à la juridiction du second degré de confirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel, de débouter leur frère Aa de sa demande d’attribution préférentielle et de le condamner à leur verser une indemnité de procédure de 3 000 euros, sans préjudice des dépens de première instance et d’appel de mauvaise contestation qui ne pourront être employés en frais privilégiés de partage.

Les intimés maintiennent que les conditions de l’attribution préférentielle de droit ne sont pas remplies. Quant à l’attribution préférentielle facultative, ils estiment que leur frère n’apporte pas la justification de sa volonté de poursuivre l’exploitation familiale. Leur père lui a fait délivrer congé, marquant ainsi sa volonté de faire libérer la parcelle revendiquée aujourd’hui par l’appelant. Enfin, leur frère Aa ne justifie pas, selon eux, de sa capacité à leur verser une soulte.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 juin 2021.

Motifs de la décision :

-_Sur la demande d’attribution préférentielle formée par M. Aa Ab :

Attendu que l’article 831 du code civil dispose en son premier alinéa que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, (…).
Qu’au visa de ce texte, M. Aa Ab sollicite à son profit l’attribution préférentielle d’une parcelle sise à Polisot (10110), lieudit «La Côte Chavet», et cadastrée section B n° 1958, parcelle de 34 a 65 ca qu’il exploite en vertu de baux datés des 11 avril 1989 et 28 mai 1991 ;

Que l’appelant justifie en les produisant devant la cour sous ses pièces n° 3 et 4 des baux que son père, M. Ae Ab, lui a consentis sur la parcelle convoitée, parcelle alors décrite comme de terre mais que M. Aa Ab a plantée de vigne (en 1990, 1991 et 1992) comme il résulte de la fiche d’encépagement qu’il communique également en pièce n° 6, ce document relatif aux surfaces de vendange 2020 mentionnant une exploitation effective de ladite parcelle en fermage pour une production chiffrée à 35,64 [unité non précisée] ;

Qu’il est donc justifié par M. Aa Ab d’une exploitation effective de la parcelle objet de la demande d’attribution préférentielle sur une production globale chiffrée à 90,95, les autres parcelles de vignes étant exploitées en propre ou en métayage ;

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Que la discussion instaurée par les intimés au sujet d’un congé donné par M. Ae Ab courant 2016 ne peut utilement interférer dans le présent débat dès lors qu’il est justifié par M. Aa Ab de ce qu’il a contesté le jugement initial du tribunal paritaire des baux ruraux de Troyes ainsi que l’arrêt confirmatif de la cour de Reims, décision au demeurant cassée et annulée en toutes ses dispositions avec renvoi devant la cour d’appel d’Amiens, juridiction dont la décision n’est pas versée aux débats, ce qui présume que la cour de renvoi n’a pas encore statué ;

Qu’aucune décision définitive n’a donc été rendue sur cette question, preuve étant bien rapportée que M. Aa Ab a contesté le congé donné par son père, ce qui démontre utilement la volonté du fils de conserver dans son exploitation les parcelles objet des baux et, partant, son intention de continuer à les exploiter ;

Qu’à ce propos, les explications données par les intimés sur une prétendue vente par l’appelant de certaines parcelles, ce qui selon eux établirait le désintérêt de leur frère pour l’exploitation des biens familiaux, ne repose sur aucun des éléments qu’ils transmettent au débat, l’acte notarié du 2 décembre 2005 conclu entre M. Ae Ab, vendeur, et son fils Aa Ab, acquéreur, produit par ce dernier, établissant au contraire qu’il a alors acquis la pleine propriété de diverses parcelles en appellation Champagne sises sur le territoire de la commune de Polisot pour une superficie totale de 33 a 01 ca ;

Que, pas davantage, il n’apparaît justifié de tenir compte d’une prétendue impossibilité pour M. Aa Ab de s’acquitter le cas échéant du versement de la soulte, les intimés qui avancent ce moyen n’apportant sur ce sujet aucun élément d’information utile, les biens objet de la donation du 27 octobre 2000 n’étant par surcroît pas encore estimés, ce qui le sera dans le cadre de la mission du notaire commis pour établir le projet d’acte de partage ;

Qu’en conséquence, la cour considère que M. Aa Ab réunit toutes les conditions pour solliciter à son profit l’attribution préférentielle de la parcelle qu’il revendique à Polisot, section B n° 1958, «La Côte Chavet», demande à laquelle il sera fait droit ;

Que la décision dont appel sera en cela infirmée ;

– Sur les dépens et les frais non répétibles :

Attendu qu’aucune des parties n’ayant relevé appel du jugement déféré en sa disposition relative aux dépens, la cour n’est donc pas saisie du sort des frais de première instance et ne peut modifier de ce chef le jugement attaqué ;

Que l’issue de l’instance devant la cour conduit à laisser aux quatre intimés la charge des entiers dépens d’appel, l’équité commandant d’arrêter au profit de M. Aa Ab une indemnité de procédure de 2 000 euros, les débiteurs de cette somme étant par ailleurs déboutés de leurs propres prétentions indemnitaires présentées au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l’appel,

– Infirme le jugement déféré en sa seule disposition rejetant la demande d’attribution préférentielle de M. Aa Ab ;

Prononçant à nouveau de ce chef,

Attribue à titre préférentiel, et le cas échéant contre versement d’une soulte, à M. Aa Ab la nue-propriété de la parcelle de terre en appellation Champagne sise à 10110 Polisot, cadastrée B n° 1958, lieudit «La Côte Chavet», d’une superficie de 35 a 64 ca, bien qu’il exploite en vertu de baux datés des 11 avril 1989 et 28 mai 1991 ;

(…) ».

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