Preuve d’un abus de procuration sur compte bancaire d’une personne âgée

 

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La preuve d’un abus dans l’utilisation d’une procuration sur le compte bancaire d’une personne âgée est difficile à rapporter. En effet, le demandeur doit prouver que les retraits ou mouvements de fonds réalisés depuis le compte bancaire du défunt relèvent d’un usage abusif.

1- Interdiction d’usage abusif d’une procuration sur compte bancaire

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Source image : Définition Juridique

Une personne âgée peut confier une procuration sur son compte bancaire à un de ses enfants, héritier réservataire ou non réservataire. Cette personne a alors la possibilité d’effectuer des opérations sur ledit compte bancaire, en fournissant ladite procuration. Néanmoins, l’usage de cette procuration doit être réalisé conformément à l’intérêt du de cujus, et non dans l’intérêt personnel du mandataire. Dans ce dernier cas, les autres successibles pourront agir contre le bénéficiaire de la procuration en recel d’héritage.

2- Affaires d’héritages et problème de preuves

En matière de conflits d’héritage, il peut arriver que l’un des héritiers estime que celui qui s’est vu confier la procuration sur un compte bancaire du défunt en a fait un usage abusif. Néanmoins, pour pouvoir agir en justice et obtenir une décision de justice favorable, la preuve de l’abus de procuration sur compte bancaire doit être rapportée par le demandeur par l’intermédiaire de son Avocat en droit des successions. A défaut, l’action risque d’être rejetée, comme l’illustre l’arrêt ci-dessous.

CA Pau, 05-01-2021, n° 17/01321

« 2) sur l’usage que Madame A B a réservé à la procuration bancaire dont elle était titulaire :

A titre liminaire, il y a lieu :

– de rappeler que la dispense tacite de reddition de comptes dont a bénéficié Madame A B en sa qualité de titulaire de la procuration litigieuse, implique qu’il incombe à Monsieur Aa B de démontrer qu’il a été fait de ladite procuration un usage contraire à l’intérêt de son père Ac B

– de considérer que la nature des opérations réalisées à partir des comptes bancaires de Monsieur Ac B entre 2004 et 2008, lesquelles ont consisté d’une part dans l’émission de chèques et d’autre part dans des retraits d’espèces, n’est en soi révélatrice d’aucun usage abusif de la procuration bancaire susceptible d’être reproché à Madame A B, et ce d’autant qu’il n’est nullement établi que durant la période où Monsieur Ac B était hébergé chez sa fille A B, celui-ci se trouvait dans l’incapacité sur un plan physique et / ou mental de gérer personnellement ses comptes et d’effectuer à partir de ceux-ci toutes les opérations qu’il souhaitait effectuer à quelque titre que ce soit, et au profit de toute personne de son choix.

S’agissant de la mesure d’expertise sollicitée par Monsieur Aa B à l’effet de justifier du bien-fondé des griefs qu’il formule à l’encontre de sa soeur A B, force est de reconnaître que ladite demande se heurte à plusieurs obstacles tenant au fait :

– que n’est pas démontrée l’existence des diverses pièces que l’expert judiciaire aurait pour mission d’examiner, soit l’intégralité des comptes détenus par Monsieur Ac B pour la période allant de 2004 à 2008, et l’ensemble des chèques établis au cours de cette même période, sachant

* que dans son ordonnance du 6 février 2015, le Juge de la Mise en Etat saisi d’un incident de communication de pièces initié par Monsieur Aa B avait déjà fait le même constat, sauf pour un seul document désigné comme étant  » la première page d’une pièce N°9 concernant une demande d’adhésion SEQUOIA du 25 février 2004 « 

* qu’il est certain que les banques ne délivrent les copies des relevés de comptes ou des chèques que dans la limite des dix dernières années

– que cette demande revêt manifestement un caractère tardif alors qu’il était parfaitement loisible à l’intéressé de la formuler devant le Magistrat de la Mise en Etat.

La demande d’expertise sera donc rejetée en raison de sa tardiveté et des difficultés matérielles compromettant sérieusement sa faisabilité.

De l’analyse des pièces versées au dossier, il ressort :

– qu’il n’est pas établi

* que les chèques émis entre 2005 et 2008 (dont plusieurs pour un montant supérieur à 400 € totalisant pour la période considérée une somme de 17.161,79 €) l’ont été au profit de Madame A B, en l’absence de la copie desdits chèques dont l’examen aurait permis de déterminer quel en a été le ou les bénéficiaires

* que les retraits d’espèces effectués sur les comptes de Monsieur Ac B pour un total de 7300 € en 2007 et un total de 13.100 € en 2008, ont été opérés par Madame A B, ni que cette dernière aurait usé des fonds correspondant à des fins personnelles

* que les opérations bancaires susvisées ont été réalisées à l’insu de Monsieur Ac B, et / ou contre sa volonté

– que Monsieur Ac B est présumé avoir conservé jusqu’à son décès survenu le 28 août 2008 la libre disposition de ses biens et notamment des fonds figurant sur ses divers comptes, dès lors qu’il est constant que l’intéressé n’a jamais été placé sous un quelconque régime de protection.

De ces observations, il s’évince qu’aucun élément objectif ne permet d’affirmer que c’est par un usage abusif que Madame A B aurait fait de la procuration bancaire dont elle était investie, qu’ont pu être réalisées les opérations bancaires dénoncées par Monsieur Aa B (émissions de chèques pour un total de 17.161,79 € pour ceux d’une valeur supérieure à 400 €, retraits d’espèces pour un total de 20.400 € sur deux ans).

La carence probatoire de Monsieur Aa B dans la justification d’un usage abusif de la procuration bancaire donnée à sa soeur A B conduit à considérer que cette dernière n’a commis aucune faute en sa qualité de mandataire du de cujus. »

 

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