La prescription acquisitive trentenaire d’un terrain – usucapion

prescription-acquisitive-trentenaire-terrain-agricole-indivision-30-ans

Source image site : Avocat en droit immobilier

Le mécanisme de la prescription acquisitive trentenaire permet à celui qui occupe le bien pendant trente ans en se comportant comme un propriétaire d’en devenir le véritable propriétaire à la suite d’une décision de justice. La prescription acquisitive est possible lorsque le bien est en indivision.

On entend parfois l’expression dans le langage courant de « loi des 30 ans sur un terrain ».

1- La prescription acquisitive trentenaire

Le mécanisme de la prescription acquisitive trentenaire permet à un individu de revendiquer la propriété d’un bien immeuble lorsqu’il a occupé le bien pendant une période ininterrompue de 30 ans.

Comment faire constater la prescription acquisitive ?

Pour faire constater la prescription acquisitive et obtenir ainsi l’équivalent d’un véritable acte de propriété comparable à celui d’un contrat d’acquisition immobilière, il convient d’introduire une action en justice visant à obtenir un jugement du tribunal judiciaire prononçant la prescription acquisitive.

Quelles sont les conditions pour faire constater la prescription acquisitive ?

Les conditions pour faire constater la prescription immobilière acquisitive sont : une possession ininterrompue pendant une durée de 30 ans, paisible et non équivoque. Celui qui entend obtenir l’acquisition par usucapion doit donc démontrer qu’il s’est comporté comme le propriétaire de l’immeuble ou du terrain en cause.

2- Difficulté de preuve des conditions de la prescription acquisitive

L’action visant à obtenir un jugement constatant la prescription acquisitive trentenaire peut se heurter à des difficultés de preuve importantes.
Exemple :
CA Amiens, 04-02-2021, n° 18/03100

« Sur la prescription acquisitive ou usucapion

M. B soutient en substance que :
– la possession des consorts B présente les conditions requises par l’article 2261 du code civil : la possession est continue, puisqu’elle n’a pas été interrompue pendant trente ans, réelle, puisque le possesseur a accompli tous les actes matériels nécessaires à la possession, chaque fois que cela est nécessaire, paisible puisque le possesseur ne s’est pas approprié l’immeuble par des actes de violence, publique, puisque les actes de possession ont été faits ouvertement, non équivoque, puisque les tiers considèrent le possesseur comme le véritable propriétaire du bien ; le possesseur s’est comporté en propriétaire de l’immeuble et a accompli tous les actes de gestion y afférents
– en tout état de cause, les juges du fond ne sont pas tenus de relever l’existence de tous les caractères exigés par la loi pour que la possession puisse conduire à l’usucapion, en l’absence d’une contestation portant sur chacun d’eux, or, il est manifeste que les conclusions en défense de la SCI X, ainsi que les termes du jugement attaqué, se limitent à établir l’insuffisance des preuves rapportées mais à aucun moment la preuve contraire de chacun des critères de la prescription acquisitive, laquelle aurait été constitutive d’une contestation
– la possession se caractérise par la réunion, d’une part, d’un élément matériel, à savoir le fait de réaliser des actes sur la chose, et d’autre part, d’un élément intentionnel, à savoir le fait que le possesseur s’identifie à un véritable propriétaire ; dès lors, il importe peu que Mme B ait été locataire de ses parcelles ou que l’immeuble ait été en indivision les premières années, le seul entretien des parcelles voisines avec l’intention de se comporter en tant que propriétaire étant suffisants à caractériser la possession
– Mme B a acquis ce bien le 10 octobre 1981 en indivision avec M. Ag, son conjoint, dont M. Stéphane Béry est l’unique héritier, si bien que l’indivision qui a pu exister entre Mme B et M. Ag ne saurait être un obstacle à l’acquisition de la propriété des parcelles par Mme B et son fils.
– en vertu de l’article 2258 du code civil, l’exception de mauvaise foi est inopposable au possesseur
– la combinaison de l’ensemble des témoignages permet bien d’établir l’entretien des parcelles voisines, les terrains concernés et la durée de la possession
– s’agissant des développements relatifs à la parcelle AH 284, ceux-ci sont superflus dès lors que M. B ne sollicite pas la reconnaissance de la prescription acquisitive sur cette parcelle dans le cadre du présent recours ; la prescription sur le reste des parcelles peut parfaitement être maintenue dès lors que l’absence de qualité de propriétaire des consorts B sur la parcelle AH n°284 se justifie uniquement par l’échange de parcelles, et non par l’absence d’exploitation de cette parcelle par les consorts Béry.
La SCI X fait valoir pour l’essentiel que :
– l’appelant ne peut prétendre bénéficier d’une possession à titre de propriétaire depuis 1975, alors que Mme B n’a acquis son propre immeuble que le 18 novembre 1981 et seulement pour moitié et qu’à cette date son fils, Ak, n’était pas né ; ledit immeuble se trouvait dans l’indivision Urbain-Béry
– la SCI X a toujours veillé au bon entretien de sa propriété et c’est sans doute sous couvert de quelques déplacements à l’étranger des époux Ai que M. B a imaginé sournoisement d’annexer des parcelles qui ne lui appartiennent pas.
– l’acte de notoriété acquisitive du 29 mai 2007 dont il se prévaut, est sans intérêt dans le débat et n’apporte aucun élément de preuve, en ce qu’il ne porte pas sur les parcelles litigieuses
– les témoignages des voisins versés aux débats sont manifestement complaisants et en tout cas dénués de toute valeur probante
-la jurisprudence fait obligation au juge du fond, pour retenir que la prescription est acquise par une possession trentenaire, de relever des actes matériels de nature à caractériser la possession, or, aucun acte matériel de possession sérieux n’est démontré par les consorts B qui n’ont jamais pu se comporter comme propriétaires depuis plus de trente ans ; ils ne produisent aucune facture acquittée permettant d’authentifier des travaux sur les parcelles revendiquées ; les photos produites ne sont pas davantage probantes : les clichés ne sont pas authentifiés tant pour le lieu que pour la date.
– la SCI X a toujours acquitté la taxe foncière sur lesdites parcelles
– selon l’acte notarié du 17 mai 2010 au terme duquel Mme Al Ah, épouse Ai et les consorts B ont procédé à un échange de parcelles portant notamment sur celles que revendique l’appelant ; par conséquent, M. B n’est pas en droit d’invoquer la prescription trentenaire sur la parcelle AH 284 dont il a admis qu’elle était la propriété Ai, en signant en 2009 le procès-verbal de délimitation et l’acte d’échange
– la parcelle 284 se situe entre la propriété Béry et les parcelles de la SCI X, si bien que cela rend aussi sans objet la contestation relative aux autres parcelles qui ne sont pas, de ce fait, attenantes à sa propriété et dont il ne peut affirmer en avoir eu la possession
– l’acte notarié d’échange fait la preuve à lui tout seul du mal fondé de la prétendue prescription acquisitive, car il n’y a pas de possession trentenaire.
Sur quoi,
Il résulte des dispositions des articles 2258 et suivants du code civil (…).
Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
(…).
La possession est équivoque si les actes du possesseur ne révèlent pas son intention de se conduire en propriétaire. Ce vice est sans relation avec la mauvaise foi, l’équivoque suppose le doute dans l’esprit des tiers mais non dans celui du possesseur.
Les actes de pure facilité et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.
Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l’usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.
Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire. Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.
La prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur d’un bien est privé pendant plus d’un an de la jouissance de ce bien soit par le propriétaire, soit même par un tiers. (…).
Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans mais celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.
Le juste titre suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire, il doit avoir date certaine et être réel.
La bonne foi consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. Elle est toujours présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. [cliquez-ici pour en savoir plus sur la définition de la bonne foi].
Il appartient à M. B d’établir l’existence d’une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire conforme aux dispositions de l’article 2261 du code civil pendant 30 ans.
M. B verse aux débats, notamment :
– l’acte notarié du 18 novembre 1981 par lequel Mme B et son concubin M. Ag ont acquis un bien immobilier situé à Gouvieux (Oise), ZZ, à savoir les parcelles cadastrées section AH n° 63 à 67 lieudit « Y » le 21 novembre 1981 des consorts Ad,
– l’acte de notoriété établi le 29 mai 2007 par Me Louf, notaire à Chantilly relatif à un terrain situé à ZZZ cadastré section AH n° 68 lieudit « VCC ».
La SCI X produit au dossier, notamment :
– l’acte d’échange établi par Me Louf le 17 mai 2010 entre M. Stéphane Béry et Mme Marie Collomb entre le parcelle cadastrée section AH n° 61 lieudit « Y » appartenant à M. B et les parcelles cadastrées section AH n° 69 et 28 lieudit « Y » appartenant à Mme Ai
– un procès-verbal de bornage et de reconnaissance de limite daté du 29 août 2016.
– ainsi que 5 nouvelles pièces (trois témoignages, un courriel, des photographies et un extrait cadastral.
Il convient de relever que :
– dans le dispositif de ses conclusions, M. B demande à être reconnu propriétaire par prescription acquisitive des parcelles cadastrées section AH n° 57, 58, 60 et 61
– dans les motifs de ses conclusions, M. B ne sollicite plus l’usucapion de la parcelle cadastrée section AH n° 61, parcelle qu’il a échangé le 17 mai 2010 avec la parcelle cadastrée section AH n° 285 appartenant à Mme Ai, parcelle elle-même issue de la division de la parcelle cadastrée section AH n° 62 propriété de Mme Ai
– la SCI X est représentée par M. et Mme Ai
– actuellement : la SCI X, dont on ignore la date de création, est propriétaire des parcelles cadastrées section AH n° 57, 58, 60, 61, 73, 74, 163, 164 et 284 ; M. B est propriétaire des parcelles cadastrées section AH n° 63 à 69 et 285
– les parcelles cadastrées section AH n° 63 à 67 lieudit « Y » appartiennent aux consorts B depuis moins de 30 ans
– les parcelles litigieuses sont séparées par la parcelle cadastrée section AH n° 59 lieudit « Y » appartenant aux consorts Am.
En l’espèce, c’est à bon droit et par une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge a considéré que les consorts B étaient mal fondés à faire valoir la prescription acquisitive sur lesdites parcelles, relevant, notamment, que l’acte de notoriété du 29 mai 2007 était inopérant car relatif à une parcelle n’étant pas la propriété de la SCI X, que le caractère continu de la possession allégué ne pouvait être établi par les quelques travaux d’élagage ou d’abattage de certains arbres, s’agissant d’interventions ponctuelles, étant précisé que les nouvelles pièces versées aux débats par M. B ne sont pas davantage pertinentes que les précédentes.
C’est encore à juste titre que, considérant que la SCI X pouvait obtenir le bornage de sa propriété et de celle de M. B en application de l’article 646 du code civil, le premier juge a fait injonction en conséquence aux consorts B de libérer les parcelles de la SCI X de toute occupation sous astreinte.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a :
– débouté les consorts B de leur demande visant à voire dire qu’ils sont propriétaires des parcelles AH n°57, 58, 60, 61 et 284
– fait injonction aux consorts B de revenir dans leurs limites de propriété soit AH 285 et de libérer les parcelles appartenant à la SCI X de toute occupation de leur chef – ordonné aux consorts B d’ôter toute clôture ou portail qui se trouverait sur les parcelles appartenant à la SCI X et ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision, et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et pendant 3 mois, le présent tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte provisoire. »

error: Content is protected !!